LA PHILOSOPHIE DU MOINS

Comment j’en suis arrivé à cette philosophie du moins ?

Je suis régulièrement confronté à des gens qui me disent qu’ils n’ont pas assez d’une journée pour tout faire.

Pas plus tard qu’hier, un membre des Forums SuperPhysique s’est justement interrogé sur la pertinence de nos conseils en regard de sa situation : travail classique, marié et deux enfants, se demandant si faire 10 000 pas jour et se lever très tôt afin de caser ses séances de musculation n’étaient pas des conseils donnés par des gens dans une situation bien différente et donc des conseils faciles.

Il peut être tentant de croire, comme c’est devenu la norme, que je n’ai aucune nuance dans les conseils généralisés que j’essaie de tirer de mon expérience personnelle et de coach, que je dis « quoi faire » sans m’appliquer une certaine rigueur et discipline et qu’en plus, je suis celui qui fait les règles du fonctionnement de ce monde.

Puisque la majorité dit ce que doit faire son voisin sans se l’appliquer à lui-même, je comprends un certain scepticisme généralisé quand on peut m’apparenter, lorsque l’on me « découvre », à cette masse d’individu grégaire en quête de reconnaissance et de paillettes.

Peu importe ce que l’on dit, ce qui compte, ce sont nos actes, ce que l’on fait chaque jour.

Ainsi, cela fait plus de 20 ans que j’ai écrit mon premier article et presque autant de temps que je coach à distance (étant le tout premier en 2006).

Il ne se passe pas un jour, vraiment, sans que je ne coach et je travaille depuis 2011, date de mes dernières « vacances » sans ordinateur, sans interruption aucune.

Cela signifie que je travaille aussi bien le samedi que le dimanche et que je n’ai pas vraiment d’horaires fixes, pouvant parfois choisir de travailler tardivement si l’inspiration s’invitait à ma porte,

Je suis passé par différentes phases comme celle de travailler le plus possible, à mon détriment physique, psychologique et intellectuel pendant des années avant de me rendre compte de l’absurdité de la chose.

A l’instar de cette vidéo que je regarde plusieurs fois par an :

Je me suis rendu compte que ce n’était pas une histoire de plus.

Bien sur, j’éprouve du plaisir, je ressens de l’épanouissement dans la réalité de projets mais cela peut tout simplement être l’écriture d’un petit article comme le lancement de l’énorme application SP Training en 2019.

Je ne me vois pas ne rien faire et attendre que la vie passe, n’être qu’un penseur sans essayer de contribuer à ce monde, à mon niveau, de me rendre utile.

Il n’empêche que ma philosophie de vie a radicalement changé au fil des ans.

Alors que je souhaitais toujours faire plus et que je cherchais à combler chaque temps mort par plus de travail, par plus de sports, par plus de productivité, j’ai décidé de ralentir.

Plutôt que de lire une page supplémentaire d’un livre, alors que je me serais forcé à continuer jusqu’à la fin du chapitre, j’arrête si je sens que mon esprit perd le fil.

Plutôt que de rajouter des séries ou des exercices en musculation, parce que plus, c’est toujours mieux en théorie, si je ne le sens pas, je m’arrête.

Peut être ai-je été, dès enfant, sensibilisé à cette philosophie du moins par le regretté Jean Texier, célèbre écrivain dans le défunt magasine du « Monde du Muscle » qui ne cessait de répéter qu’il valait mieux en faire moins que trop pour progresser.

Mais happé par cette société de la maximisation, je me suis pris au jeu.

S’ennuyer ? C’était à fuir !

Avoir du temps de libre sans savoir quoi faire en amont ? Ce n’était pas tolérable, ni acceptable dans ce monde où nombreux courent sans arrêt après le temps.

Ce ne serait pas respectueux de ne rien faire en apparence, de laisser son esprit divaguer.

Puis la vie a fait son chemin.

J’ai commencé à vieillir, même si je suis encore jeune, à m’intéresser au vieillissement, à ces pertes inexorables.

J’ai commencé à sentir que ce n’était plus comme avant, déjà en musculation, que mes efforts me permettaient de maintenir quand avant ils me permettaient de progresser.

J’ai commencé à sentir que j’avais moins d’énergie, que je fatiguais plus « rapidement » après avoir fait un effort de quelques ordres que ce soit.

J’ai aussi atteint de nombreux objectifs, voir dépassé certains.

Je ne pensais pas réussir autant professionnellement et si on m’avait prédit cet avenir adolescent, je pense que personne n’y aurait cru, pas même moi, même si je me suis toujours senti à parti, différent, en rebel et que je ne me suis jamais imposé de limites à mes rêves mais je n’imaginais pas « autant ».

Je ne pensais pas me transformer autant physiquement non plus. Je me souviens encore de ceux qui riaient sur les forums de musculation quand je postais mes photos et que j’ai fini par coacher pour la plupart.

Peut être que c’était ca le secret, ne pas penser, ne pas rationnaliser mais laisser faire le destin ?

J’estime avoir eu et avoir encore beaucoup de chance, peut être aussi parce que je me connais et que j’ai eu ces temps morts.

Arrivé à de nombreux objectifs m’a permis d’expérimenter le fameux « deuil » du sportif de nombreuses fois, cette perte de repère et d’identité qui impose une remise en question de soi-même quand on arrive au bout d’un chemin.

Je me suis ainsi demandé de nombreuses fois qui j’étais et ce que je souhaitais faire de ma vie.

Que ce n’était pas une course, un sprint comme j’en parlais dans mon Leadercast « Les sprinters ne gagnent jamais »

J’ai appris que la vie était à la fois longue et courte, en fonction de comment on la vivait.

A être occupé en tout temps, à s’occuper tout le temps, celle-ci peut défiler plus vite que la lumière en ayant la sensation de n’avoir rien eu le temps de faire.

Je ne peux pas dire que je milite pour la décroissance car je pense que la croissance est inscrit dans nos gênes, que la recherche du progrès fait partie de l’être humain, cet être irrationnel en de nombreuses occasions.

Mais j’ai appris qu’il valait toujours mieux faire moins.

Par exemple, pour durer en musculation, il vaut mieux mettre moins lourd, utiliser moins d’amplitude, en faire moins tout court de façon à inscrire cette démarche de manière durable.

Plutôt de vouloir écrire 3 articles, publier 2 podcasts et faire une vidéo quotidiennement, il vaut mieux étaler cela sur la semaine et encore, je me le demande quand je rencontre parfois certains d’entre vous qui me disent qu’ils n’arrivent pas à tout suivre alors qu’ils aimeraient.

Plutôt que d’avoir une To-do list sans fin, je ne me note que 2 ou 3 taches à faire quotidiennement ce qui évidemment ne me remplis pas la journée.

J’ai aussi compris qu’avoir de temps morts permettaient d’être plus productif, plus qualitatif, plus à ce que l’on faisait quand on y était.

Qu’à l’instar des histoires d’écrivains des siècles précédents qui flânaient à priori de longues heures chaque après midi plutôt que d’écrire, que les idées, que l’inspiration, que les connexions se faisaient quand on leur laissait le temps d’arriver.

Je ne dirais pas qu’il faut vivre au ralenti, quoi que.

Quels seraient les inconvénients ?

Car la vie n’est pas une question d’heure de travail, de quantité mais de qualité.

Ainsi, chaque jour, je n’ai pas l’impression d’en faire beaucoup et pourtant, cela semble beaucoup de l’extérieur car je me laisse le temps de faire mais aussi de ne rien faire.

C’est là tout le paradoxe.

On n’est jamais aussi efficace que lorsque l’on ralenti, que l’on en fait moins et que l’on essaie d’inscrire ce que l’on fait de manière durable.

A courir après tout, à vouloir en faire plus, à ne jamais arriver au bout de ses journées, on prend le risque de ne pas vivre, de ne pas prendre le temps de vivre.

Alors aujourd’hui, ma philosophie est clair : Moins, encore moins, encore encore moins.

Parce qu’en faire moins, c’est la liberté, la possibilité de faire mieux durablement et surtout de vivre.

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