Est-ce la vie n’est qu’un concours de circonstances ?
J’aime, comme beaucoup, croire que la réussite dépend des efforts que l’on fait, qu’il y a une sorte de méritocratie.
Logiquement, plus on se donne les moyens et plus on a de chances de réussir.
Mais souvent, nous voyons bien que certains et certaines réussissent sans tout donner. Parfois, nous assistons même à des « inepties » monumentales mais pourtant, cela fonctionne (plus ou moins !).
C’est ce que j’appelle la preuve par l’exception qui est souvent reprise par la majorité pour se raconter l’histoire, fausse, qu’il n’y a pas besoin de tout bien faire pour performer.
Par exemple, cette majorité adore voir ses champions préférés, payés par leurs propres impôts se comporter comme des gens normaux, en mangeant parfois tout et n’importe quoi, en ayant une hygiène de vie banale.
Ca rassure et on se sent alors proche du champion ou de la championne, quelque soit le domaine, pas uniquement sportif.
Finalement, ce sont des gens comme nous et ils nous ressemblent.
Personnellement, je n’ai jamais adhéré à cette thèse car je suis un fervent partisan d’autobiographies et de biographies.
Mais, vous le savez aussi bien que moi, tout est romancé, modifié, enjolivé. On a envie de croire qu’en suivant leurs exemples, nous allons nous aussi réussir à leurs niveaux.
Ce sont plus des livres de motivations (pas tous heureusement) que la stricte vérité. Tous autant que nous sommes, nous avons tendance à remanier nos souvenirs pour cela colle le plus possible à l’histoire que l’on se raconte et qui est le fondement de notre personnalité, de nos aspirations, de notre avenir (Cf mon livre « The LeaderProject« ).
Dans ces livres, seul le travail compte et c’est à celui qui travaille le plus dur.
Partis souvent de rien, tel des héros, ils s’élèvent jusqu’au sommet de l’Olympe, seul ou presque alors qu’on ne réussit jamais seul.
Je vous mentirais si je vous disais que j’adore lire ca, que cette histoire me plait. C’est tellement simple et tout ne dépend que de soi.
Malheureusement, ce serait trop facile si cette justice existait.
La vérité, c’est que l’on n’aime pas dire que la chance, les circonstances ont joué une grosse part de notre réussite. Bill Gates, le fondateur de Microsoft, le dit quand on lui demande comment il a fait.
Mais certains à l’ego surdimensionné l’oublie.
Pour avoir interrogé des centaines de champions et championnes depuis plus de 15 ans et notamment récemment avec mon podcast « Les Secrets du Kayak » devenus depuis quelques mois « Les Secrets du Sport » (disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast), j’ai vite compris que la réussite dans un domaine nécessitait au moins 3 facteurs.
Le premier, c’est d’être né au bon endroit. C’est facile à comprendre, si vous pouvez faire une activité facilement parce qu’elle se trouve très proche de chez vous, vos opportunités de la pratiquer s’en trouve multiplier.
Imaginons la pratique de la musculation pour moi. A 13 ans, du matériel se trouvait dans le sous-sol de chez mes parents où mon père s’entrainait. J’avais juste à descendre les escaliers. Si j’avais eu à faire 15 km pour aller chez un copain pour m’entrainer, c’était cuit d’avance et je ne parle pas des salles qui n’autorisent l’accès qu’à partir de 16 ans (de mémoire. Ca a peut être changé depuis mes débuts).
C’était donc facile de faire de la musculation (Cela me fait penser à l’excellent livre « Facile » d’Olivier Pourriol que je vous recommande de lire plutôt deux fois qu’une).
D’ailleurs, il est important de comprendre que ce n’est pas quand on veut, qu’on peut mais plutôt que quand on peut, on veut parce que c’est facile ! (CQFD)
Le bon endroit, c’est aussi dans la bonne famille, d’avoir le bon entourage.
D’où me vient ma curiosité ? De mon père qui dès qu’il a une question cherche la réponse.
D’où me vient mon envie de prendre soin des autres, parfois à mon détriment ? De ma mère qui a toujours fait passer autrui avant elle.
D’où me vient mon envie de manger sainement, puisqu’à 15 ans, je demandais de l’huile de Colza bio à mon anniversaire ? De mon grand père qui, sportif, mangeait et mange plus sainement que quiconque que j’ai rencontré encore aujourd’hui.
La liste pourrait être longue mais il est important de comprendre l’importance du bon endroit qui n’est qu’un concours de circonstance, de chance, d’opportunités saisies par d’autres avant vous puis par vous.
Le deuxième, c’est de faire les bonnes rencontres, autrement dit, de rencontrer les bonnes personnes.
Ma chance à ce sujet a été de commencer au début d’internet quand il n’y avait que des passionnés sur les forums de musculation, bien avant les réseaux sociaux, à qui je pouvais poser des tonnes de questions.
De plus, mon grand père, toujours sportif, avait de nombreux magasines des années 1980-1990 que je pouvais dévorer à longueur de journée.
Je n’étais pas noyé sous le trop d’informations, j’avais faim d’informations car il n’y en avait que peu comparativement à aujourd’hui.
Cela corrobore au troisième facteur, le bon moment.
En démarrant à l’émergence du net, parce que je suis né dans les bonnes années pour cela, un sacré concours de circonstances a eu lieu. Comme nous étions peu sur les forums, j’ai rapidement rencontré dans la vraie vie des passionnés.
J’ai pu aller tous les samedi matins pendant des années à des séances d’entraînement communes sur l’île de puteau.
J’ai pu me rapprocher de mentors comme Michael Gundill qui, quand j’avais 16-17 ans, m’aiguillait pour que je trouve les réponses à mes questions.
Je pouvais appeler Didier Reiss pour lui demander quelles études faire.
J’ai eu Marc Vouillot, la légende, en professeur alors que je n’avais que 16 ans et qui me débauchait des cours du tronc commun du BEES, pour venir assister à ses cours en avance d’un an. Il m’avait d’ailleurs dit qu’un jour, ce serait mon tour. (Il avait raison, comme toujours !).
J’avais accès facilement aux meilleurs du milieu sportif et notamment de la musculation.
Si vous attaquez une activité enfant ou adolescent et que vous n’avez pas le bon éducateur, vous n’irez nul part. Par exemple, en athlétisme, à 13 ans, j’ai changé d’entraîneur et ca a été une catastrophe puisque j’ai enchaîne blessures sur blessures qui m’ont contraint par la suite à arrêter car je ne pouvais plus courir : « mauvais casting » !
Autrement dit, une rencontre peut tout changer, encore aujourd’hui si jamais !
Il y en a aussi un quatrième que je n’apprécie pas psychologiquement, qui me titille, mais c’est l’héritage culturel.
Pour moi, cela implique une forme de déterminisme même, si avec des efforts, on peut en partie revenir dessus.
Je me suis de nombreuses fois exprimés sur l’éducation que nous avons reçus mais nous sommes aussi le reflet des générations qui nous précèdent.
Cela est bien expliqué dans le livre que je viens de finir « Tous Winners » de Malcom Gladwell.
Si vous êtes né en Chine, vous êtes meilleurs en mathématique car le système n’est pas la même.
Si vous êtes dans le Sud de l’Amérique, vous avez tendance à vous énerver plus facilement à la moindre insulte.
Bien sur, je caricature un peu mais pensez aux préjugés, ils sont souvent vrais car nous sommes le reflet de nos ancêtres, nous sommes leurs gênes presque à 100%.
C’est ce qui explique parfois des réactions que nous ne comprenons pas car nous sommes l’assemblage des expériences de nos aînés et de ce qu’ils ont exprimés.
Alors imaginez maintenant, quelqu’un qui serait né au bon endroit, dans la bonne famille, au bon moment, qui auraient fait les bonnes rencontres et qui auraient l’héritage culturel « parfait » ?
Que donnerait-il ?
Cela donnerait Steve Jobs, Bill Gates, Elon Musk, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg…. si on reste dans l’informatique.
Cela donnerait Michael Jordan, Kobe Bryant, Lebron James… dans le Basket.
Vous pouvez vous amuser à essayer de retracer l’histoire de ceux qui réussissent pour vous apercevoir, qu’en fait, ce n’est au final qu’un concours de circonstances, une histoire de chance.
Bien sur, nous aimons tous expliquer, pouvoir tous expliquer, comme si tout était une question de logique, une histoire de travail.
Bien sur, personne ne réussit sans travailler, sans se donner du mal (de sa vision de se donner du mal).
Mais la vérité, c’est que c’est une histoire de chance, de circonstances.
Vous pouvez être le plus intelligent du monde mais être né au mauvais endroit, au mauvais moment (par exemple, 3 ans trop tard, et en fin d’année), ne pas rencontrer les bonnes personnes et avoir un héritage culturel qui ne vous pousse pas à faire les efforts nécessaires pour exploiter votre potentiel.
Mais peut être aussi que de l’exploiter n’est pas votre histoire, votre destin.
J’aimerais conclure, malgré tout, qu’il est toujours possible de faire plus que ce qu’on ne pense mais cela implique de revenir en grande partie sur ce que nous avons appris et sur qui nous sommes, ce qui, n’est pas non plus, accessible à tous.
Finalement, le monde est injuste parce que c’est un concours de circonstances.
Allez-vous faire les bonnes rencontres ?
J’espère que vous êtes sous une bonne étoile !