Evoluant, en partie, dans le milieu du sport, je suis surpris de la tournure que cela prend.
J’ai commencé en 2001 et à cette époque, quand on s’entrainait 3 à 4 fois par semaine, on était considéré comme sportif.
Mais en 20 ans, suivre ce rythme est considéré comme être sédentaire.
On fait du sport de plus en plus.
J’aimerais pouvoir dire que l’on s’entraine de plus en plus mais je considère l’entrainement comme un processus intelligent.
Or, je ne peux pas dire que j’assiste à cela.
J’assiste à une multiplication des séances sans logique.
On m’envoie des programmes achetés à des soi-disant « Coach » qui sont des massacres pour peser mes mots.
Dans le même temps, de plus en plus de gens se mettent à l’ultra : trail, triathlon, cyclisme, marathon…
Quand j’étais jeune, bien que je sois loin d’être encore considéré comme vieux, quand on rencontrait un sportif qui pratiquait ses activités, on le considérait comme un extra-terrestre.
Un triathlète ? On était en admiration !
Un marathonien ? Une machine !
Un trailer ? Ca n’existait même pas et on appelait cela une grande randonnée !
Je caricature volontairement mais nous sommes arrivés à une sorte de paroxysme.
Et quand je pense que l’on est arrivé au bout du bout, les limites sont encore repoussées.
Faire un marathon, un triathlon, un trail où que sais-je encore est devenu banal.
Pire, si on en a jamais fait, on passe pour une croute.
Ca apprend l’humilité.
S’entrainer tous les jours ? Voir deux fois par jour ? La norme !
A tel point que ce rythme réservé aux athlètes de haut niveau est devenue monnaie courante chez les amateurs.
Je mentirais si je disais que je ne suis pas tombé dans le piège plusieurs fois et que j’y retomberais sans doute.
Mais le problème est que ce n’est pas tenable.
Pire, c’est une autodestruction programmée.
Lisant de nombreux livres sur la productivité, tantôt prônée, tantôt décriée, je ne peux m’empêcher de penser que nous faisons une erreur.
Que cette course au toujours plus, à l’agitation frénétique ne peut mener en terre promise.
La productivité s’est exportée au sport.
Alors qu’elle était réservée, à tort, au monde du travail où il faut toujours en faire plus en terme d’horaires, sans tenir compte de ce qui est réellement produit, c’est désormais le monde du sport qui est touché.
Avec, en plus, les réseaux sociaux, qui si l’on ne prend de recul, peuvent faire croire que la terre entière s’entraine jour et nuit.
Comme je le disais dans le podcast avec mon ami Sean sur sa chaîne Upside Strength, cela ne peut être la vérité ou alors uniquement sur le court terme pour espérer briller.
C’est d’ailleurs ce qu’il se passe avec la majorité des sportifs de haut niveau, qui à 35 ans, sont rincés autant physiquement que psychologiquement.
Alors naturellement, si l’on souhaite briller à un moment dans sa vie, je comprends l’adoption de ce rythme.
Mais durer et vraiment réussir, est-ce une course au toujours plus ?
Est-ce que cela se joue sur quelques mois ou années ?
Depuis maintenant quelques années, notamment professionnellement, j’essaie d’en faire moins.
Quand je dis ça, ca surprend car beaucoup d’entre-vous ont du mal à suivre tout ce que je fais.
Mais c’est parce que je suis régulier.
Cela ne veut pas dire que je suis submergé quotidiennement.
Au contraire, je fais presque le strict minimum (Okay, j’abuse un peu).
Mais tous les jours, je produis quelque chose de visible.
Cela peut être un article sur LeaderCast, surtout pour mon propre plaisir et sans aucun but financier vu le peu d’intérêt envers ce travail.
Cela peut être un podcast à paraître que ce soit sur Hybrid Podcast ou le SuperPhysique Podcast.
Cela peut être une vidéo pour ma chaîne Youtube principal.
Mais chaque jour, je ne vais pas multiplier les activités.
Je vais me forcer à me contenter d’un seul contenu créé.
Bien évidemment, j’ai envie certains jours d’en faire plus, d’écrire plutôt deux fois qu’une, de tourner une vidéo, d’enregistrer deux podcasts de m’entrainer deux fois aussi…
Mais ce n’est pas le secret de ma longévité, de ma « réussite » si on estime que j’ai réussi.
Mon secret, c’est la modération.
C’est d’en faire toujours moins que ce que je pourrais faire.
C’est de me laisser du temps pour me laisser guider par mon intuition, mon instinct, pour lire, m’enrichir intellectuellement et répondre aux imprévus.
Plutôt que d’en faire plus et trop, j’essaie d’en faire moins.
C’est comme sortir de table avec le ventre encore « creux » et non tout gonflé parce qu’on a trop mangé.
C’est comme faire une séance de sport et s’arrêter avant d’être fatigué.
J’ai même envie de dire que chaque activité doit nous dynamiser, nous redynamiser et non nous « tuer ».
Si elle nous éteint, c’est qu’on en a trop fait.
Le problème aussi, c’est qu’on pense qu’on sous estime le temps que cela prend de devenir bon dans un domaine, de réussir.
Quand j’ai créé SuperPhysique en 2009 en ayant filmé tous les exercices en vidéo, avoir écrit une vingtaine d’articles, fait toutes les photos de la Team SuperPhysique… je croyais avoir fini le job quand mon associé Fabrice m’a expliqué que ce n’était que le début.
Maintenant, il fallait écrire un article par semaine et faire une vidéo par semaine sur Youtube.
J’étais abasourdi car je croyais avoir fait ce qu’il fallait, que je serais « tranquille ».
Alors pendant 7 ans, sans interruption, j’ai publié un article tous les dimanches sur le site ainsi qu’une vidéo associée sur Youtube.
7 ans, à 1 article par semaine, ca fait 364 articles, 364 vidéos.
Bien sur, j’aurais pu aller plus vite, en écrire presque un par jour, m’agiter de manière frénétique, finir chaque journée essoré.
Mais Fabrice qui avait l’habitude de faire des sites internet avec notamment SWT, l’ancêtre de SuperPhysique, savait que tout se jouait sur le long terme.
C’est ainsi que de nombreuses personnes font des burnouts, se surentrainent, se blessent.
Parce qu’ils sont tombés dans le piège de la productivité dans tous les pans de leurs vies.
Nous ne savons plus nous ennuyer, nous poser avec un bon livre, flâné.
On ne sait plus « perdre » son temps quand il s’agit d’en gagner finalement, à être dans l’instant.
Tout est minuté, organisé pour tirer le maximum de profit de chaque minute, de chaque seconde.
Je reçois chaque jour des messages de personnes qui en font trop, qui m’écrivent pour être coaché et qui souhaitent s’entrainer comme des jeunes pros.
Je reçois chaque jour des messages de personnes qui ont mal partout, qui ne comprennent pas pourquoi.
Nous voyons de plus en plus d’explosions psychologiques.
Et c’est normal car nous en faisons trop.
Le secret, c’est la modération.
Cela n’empêche pas d’avoir le spirit, de se donner mais juste ce qu’il faut, quand c’est le moment.
Nous ne sommes pas faits pour être à fond tout le temps dans tout.
Car dans la vie, on n’est pas récompensé par la quantité d’effort que l’on fait mais par la qualité de ceux-ci.
Modérez vous, faites en moins et laissez le temps faire.
Vous verrez, que lorsque l’on fait les choses bien, on est récompensé à terme.
Mais à terme, ce n’est pas dans quelques mois.
C’est dans quelques années.
Mais en même temps, qui peut dire qu’il a réussi sa vie et qu’il est heureux pour toujours en quelques mois ?