Le vieillissement consiste-t-il dit à abandonner une partie que l’on pensait être soi-même ?
Cela peut faire sourire car au moment où j’écris ces lignes, je n’ai que 37 ans.
Mais pourtant, je sens que je vieillis.
Notamment dans les activités que j’ai l’impression de faire depuis toujours.
Je sens que mes capacités évoluent pour rester poli, pour ne pas dire qu’elles décroissent.
Alors que mon corps me pardonnait pratiquement tout, des exercices effectués sans tenir compte de mes capacités, que je récupérais presque instantanément de n’importe quoi, je sens le poids des années.
Pourtant, je suis encore jeune.
Je me demande si ce n’est pas le fait d’avoir commencé précocement.
Officiellement, j’ai commencé la musculation à raison d’un entrainement par jour juste avant mes 14 ans.
Officieusement, je faisais déjà des séries interminables d’exercices d’abdominaux depuis déjà quelques années.
Je jouais à la musculation en faisant des tractions, en faisant des pompes, tous les jours après l’école.
J’ai progressé presque non-stop, en dehors d’erreurs que j’ai pu faire et que j’explique dans la Formation Gratuite de musculation que j’offre en s’inscrivant à ma newsletter sur mon site de coaching.
J’ai stagné pendant 2 bonnes années à m’entrainer au mauvais endroit, dans une mauvaise salle faute de mieux ce qui m’a poussé à ouvrir ma salle, le SuperPhysique Gym à Annecy en 2014 et qui m’a alors redonné 2-3 années de progression et permis d’atteindre la « forme de ma vie » comme on dit dans le milieu, du moins visuellement.
Après quoi, je me suis entrainé d’arrache pieds, sans progresser. Et si je ne le faisais pas, je régressais.
Cela me rappelle une discussion que j’avais eu avec mon pote Romain, qui à l’époque avait été champion du monde de squat sans matériel, et qui se félicitait de réussir à refaire les mêmes performances années après années comme un gage de progrès.
Ce sujet du vieillissement sportif, du corps, cela fait des années que je l’investigue car j’y suis de plus en plus confronté.
J’interview des « anciens » pour savoir comment ils vivent la chose, notamment à travers mes podcasts « Les Secrets du Sport« , notamment dans les discussions avec Duc ou Bruno Heubi.
Ma grand mère, qui a fait la préface de mon livre « The Leader Project » sur comment vivre de sa passion, dit très justement que vieillir, c’est faire le deuil des capacités que l’on avait.
On était capable et on devient moins capable jusqu’à devenir incapable.
C’est pour cela que les débats sur l’entrainement en fonction de sa morpho-anatomie et de ses capacités de mouvements me font sourire car, d’expérience à terme, c’est la seule voie possible à la continuité de son entrainement sans se détruire complètement.
Choisir les bons exercices, les adapter à soi-même et réguler l’intensité de ceux-ci en ayant une vision long-termiste tout en sachant que le vieillissement va venir enrayer les progrès si cela fait déjà des années que l’on s’entraine dans l’activité en question.
Le drame du vieillissement, c’est également apprendre ce que l’on aurait du vraiment faire à rebours.
C’est savoir ce qui doit être fait à tel ou tel âge et qui n’a pas été fait.
C’est « connaître » le fonctionnement de son corps en retard et d’éprouver quelques regrets quant à ce que l’on a fait.
C’est apprendre à posteriori ce qu’il aurait été possible de faire.
En 2017, j’ai cessé de progresser en musculation ce qui m’a poussé à m’en éloigner, à me prendre moins au sérieux, à apprendre aussi l’humilité.
S’entrainer pour toujours faire les mêmes performances lors des SuperPhysique Games que j’organisais n’avait pas de sens pour moi, le militant du progrès.
Surtout que la charge de travail en récupération active devenait trop importante entre les étirements, les massages, les exercices « correctifs » dits de « Prehab » ou « Rehab »…
Tout devait être ultra optimisé quand j’arrivais à une période de ma vie où j’avais envie de découvrir le monde extérieur, marre d’être enfermé dans une salle de musculation, conséquence de ma progression de plus en plus difficile.
Alors je me suis mis à d’autres activités sportives.
J’ai fait du rameur en compétition à un niveau honorable pour moi (4 ème mondial sur 500 m en 2020) mais c’était encore enfermé en salle.
Je me suis mis au Kayak et cela a été un véritable coup de cœur, une nouvelle extension de moi.
J’ai augmenté progressivement la durée et le nombre des entrainements, je me suis vu comme tout débutant dans une activité, en progressant à chaque séance ou presque, devenir champion jusqu’à tant que la réalité me rattrape.
J’ai crée le site des Secrets du Kayak, j’ai demandé aux meilleurs spécialistes comment devenir champion, quels avaient été leurs secrets pour performer au plus haut niveau.
Après 4 ans d’entrainement intensifs, je suis de nouveau arrivé au bout de ma progression.
A chaque nouveau test, je sais pratiquement prédire à 0,1-0.2 km/h près ce que je vais faire, toujours dans la même fourchette.
Autrement dit, je suis au bout de ce que je peux espérer après m’être acharné en terme de vitesse.
C’est évidemment difficile à vivre, à admettre quand tu te dépouilles à tous les niveaux ou presque pour battre tes records toute l’année que tu ne les battra pas.
Tu as beau tout donner, te sentir en super forme, le compteur ne ment pas.
Bien sur, les sensations sont exceptionnelles et certains diront qu’elles suffisent, que la motivation autotélique, l’activité en tant que telle est « suffisante ».
Mais quand tu as été un adepte du progrès, le vieillissement est difficile à accepter.
Ce n’est pas tant vis à vis des autres car je sais ô combien chaque personne a son potentiel, mais vis à vis de soi et de ses possibilités qui s’amenuisent.
Je suis un adepte du Spirit, j’ai la culture de l’effort et je sais que l’histoire de la méritocratie n’est qu’un mythe, quelque soit le domaine.
Mais je n’ai pas d’autres choix que d’accepter que quelque soit l’activité, ma marge de progrès est faible en dehors des progrès du débutant car je suis « sur-optimisé » et que j’ai loupé de nombreux apprentissages aux âges où il aurait fallu les faire.
Certains et certaines aiment dire qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves. C’est seulement une phrase débile exprimées par des gens qui n’y connaissent rien.
Il y a un âge pour tout, des périodes pour ci ou ca et celui de la performance poussée à son paroxysme n’est pas celui de la quarantaine, de la cinquantaine…
Il est celui de la vingtaine, à la rigueur de la trentaine en fonction des activités.
Et encore, on voit certains sportifs de haut niveau qui vont tenter pendant plus de 10 ans de réitérer la performance qu’ils ont fait par « enchantement » à 19 ans, sans savoir comment ni pourquoi.
Alors je me console en me disant que mon objectif chaque année est de faire mon nouveau record.
Que je m’entraine pour faire au mieux de ce que je peux faire.
C’est en quête de mon record de l’année que je m’entraine.
C’est moins sexy, moins motivant mais cela colle pour l’instant avec mon Spirit tout en me faisant prendre conscience que tout ceci n’est qu’un jeu dont j’édicte les règles et que finalement, je fais ce que je veux.
Celles-ci sont d’ailleurs sujettes à évoluer et il arrivera évidemment un moment où faire me contentera, me suffira car cela ne va pas aller en s’arrangeant.
Je ferais alors sans doute pour faire car cela suffira à me rendre heureux.
Parce que je n’aurais pas d’autres choix.
Car le vieillissement est inéluctable Mr Anderson !
La seule chose que l’on peut envisager, c’est de faire au mieux avec ce qu’on a.
Et finalement, c’est déjà pas mal et suffisant pour ne pas avoir de regrets.
En soi, ce n’est donc pas le résultat qui compte mais l’épanouissement que l’on prend à faire, à accomplir, à se projeter, à espérer sans oublier que tout ceci est un jeu dont on est déjà le héros.