Quand j’étais enfant, je voulais la même montre que mon père : Une G-shock de Casio.
J’aimais son style et surtout le fait qu’elle mesure plein de données comme la température au poignet, l’altitude et bien évidemment qu’elle fasse chronomètre.
En plus, c’était du solide ; je l’ai gardé plus de 10 ans avant que la pile ne meure.
J’aurais pu changé la pile mais entre temps, comme je faisais de l’athlétisme et que les américains portaient du Nike, j’avais une montre Nike pour m’entrainer.
Elle faisait chronomètre et on pouvait mettre des laps. C’était tout mais elle était belle et je crois qu’elle me faisait courir plus vite ! 🙂
Puis je me suis mis à la musculation et là, il n’y avait aucune utilité d’avoir une montre autre que pour le chronomètre car cela gênait si on devait mettre des bandes de poignets, des sangles… D’autant plus que les smartphones avaient fait leurs apparitions et qu’ils font tous chrono.
Mais quand j’ai commencé le kayak, avoir une montre gps était un indispensable pour savoir combien de km je faisais, à quelle vitesse, quel temps de récupération je prenais entre les séries… Bref pour planifier son entrainement et surtout le suivre.
Mon pote Sam m’a fait acheté une Garmin Forerunner 700 quelque chose avec écran tactile et là, un « nouveau monde » s’ouvrait à moi. Je me connectais directement sur l’interface Web et je voyais moultes données.
C’était bien plus qu’il ne m’en fallait et au début, je ne les regardais pas.
Par contre, dès que j’allais faire une séance, il fallait que j’ai ma montre, elle était devenue indispensable. Pas question de faire une séance sans sinon comment savoir si ma séance avait été productive ?
C’est ainsi qu’au fil du temps, je suis devenu presque un addict aux données, aux datas.
Ce n’était pas l’effort qui comptait, c’était de faire ce qui était prévu de faire, à 0.1 km/h, à la seconde près.
Non pas que j’étais convaincu que cela allait tout changé mais cela me rassurait de pouvoir m’appuyer sur des repères.
J’ai d’ailleurs toujours eu du mal, et encore aujourd’hui, à ne me fier qu’à mon ressenti pour déterminer si j’avais fait une bonne séance, du moins en kayak.
A l’inverse, comme le disait Tom Platz, un champion de bodybuilding dans les années 1980, dans le Tome 5 du Guide pratique du Bodybuilding de Jean Texier, j’avais comme un sixième sens quand je m’entrainais en musculation pour prendre du muscle pour savoir si la séance allait déclencher une prise de muscle ou pas.
Je sentais l’efficacité ou pas de ce que je faisais, de ce que j’avais fait.
Je faisais confiance à l’effort que je faisais, à être récompensé de mes efforts. Bien sur, il ne s’agit pas de s’entraîner bêtement mais il n’empêche que j’avais une sorte de feedback instantané d’une série productive, d’une séance productive.
Cela ne m’a pas empêché de chercher à comprendre concrètement ce qui faisait une bonne séance d’une « mauvaise », de le coucher sur papier mais il reste toujours une part d’inexplicable comme j’en parlais dans cet épisode de Leadercast.
Pour en revenir à cette histoire de données, avec ma pratique du kayak qui s’est intensifiée, j’ai cherché à en avoir le plus possible.
Je me suis intéressé à la fameuse variabilité de la fréquence cardiaque (HRV ou VFC en francais), d’abord avec ma montre puis avec des applications pour essayer de déterminer ma « forme » du jour.
Je me suis acheté une FitBit pour analyser mon sommeil, voir si je dormais bien. Je me suis intéressé aux bracelets Whoop, à la bague Oura, au dynamomètre…
Mon idée était de professionnaliser ma pratique, de faire de meilleures séances, d’en profiter plus, d’adapter si besoin mes entrainements au jour le jour.
Mais je me suis perdu en chemin, peut être comme beaucoup qui utilisent surtout la science pour apprendre plutôt que la pratique.
J’ai oublié que le plus important, comme l’explique très bien Véronique Billat avec son fameux test RABIT, qu’il n’y a pas plus important que d’être connecté à soi.
Qu’à force de faire confiance à des outils extérieurs, nous nous déconnectons complètement de nous-même.
Je le vois bien, de part mon travail de coach, où beaucoup pensent que c’est le programme qui fait tout, qu’il suffit de suivre le bon programme.
D’ailleurs, on en voit des escrocs vendre des programmes à tire larigot à plusieurs centaines d’euros.
A croire que tout est une histoire de chiffre, de planification, de charges d’entrainement, de régulation…
Mais la vérité, c’est que le secret, c’est d’abord cette connexion à soi-même. C’est d’apprendre à se connaître, à s’écouter, à se comprendre, à se parler… A faire équipe avec soi.
Aujourd’hui, on veut faire équipe avec la technologie avant d’avoir développé ce lien avec soi-même.
Certes, c’est rassurant mais ce n’est pas la base à l’instar de l’endurance fondamentale dans les sports à dominante oxydative.
La base, avant de vouloir tout mesurer, de se robotiser, c’est d’abord d’apprendre à être un être humain, à se connecter à soi, au maximum.
A tout vouloir faire reposer sur autrui ou des technologies, on en oublie la valeur de l’effort.
Or, c’est bien l’effort qui est à la base de tout progrès. Alors certes, quand je dis ca, pour beaucoup, l’effort, c’est difficile, ce n’est pas « sexy », on n’a pas envie de faire d’effort mais l’effort, en tout cas, comme je le vois, est positif. C’est sortir de cette fameuse zone de confort.
On veut faire ce qu’il faut pour avoir ce qu’il faut. Je veux juste faire un peu de musculation car je ne voudrais pas ressembler à Arnold, comme si on pouvait ne faire qu’un peu pour avoir un peu.
Ce que je crois aujourd’hui, c’est que les chiffres sont un excellent outil complémentaire, parfois indispensable quand on débute, quand on est pas passionné par une activité et l’on souhaite éviter de perdre du temps, de faire des erreurs.
Mais on ne doit pas perdre de vue le plus important : La découverte (infinie) et la compréhension de soi.
A passer tous les signaux provenant de soi sous silence, au profit de données, on perd du temps.
C’est pourquoi cela fait plusieurs semaines que je ne porte plus ma montre car cela ne fait plus sens pour moi, en dehors de mes séances de sport.
Parce que cela ne change absolument rien que je sois à 35 pulsations la nuit au lieu de 40, que cela n’a aucun intérêt pour moi de savoir si mon coeur est en forme le matin ou pas. Parce que si j’ai mal dormi selon des capteurs mais que je me sens bien, à quoi cela va-t-il bien me servir, autre que de me faire réfléchir et de me miner si j’accorde trop d’importances à ces facteurs extérieurs ?
Comme je le disais plus haut, c’est comme s’appuyer sur la science avant d’agir.
Bien sur, la science a son importance mais rien ne remplacera jamais la pratique parce ce qu’elle permet d’apprendre, d’expérimenter, de codifier.
C’est pour cela que je ne porte plus de montre.
Et en plus, je n’aimais pas la trace du bronzage que cela me faisait.