L’ART DE SE RETENIR

Est-ce que le monde ne se porterait pas mieux si tout un chacun savait se retenir d’agir ?

Si chacun d’entre-nous pouvait contrôler l’expression de ses émotions et apprendre à les « accueillir », à les « observer » avant de prendre la moindre décision ?

J’aimerais croire et penser que toutes nos réactions sont décidées et murement réfléchies.

Mais je sais aussi que l’être humain est un être anticipatif, prédictif, par rapport à sa « configuration » neuronale.

Que seules 0.3% de nos décisions peuvent être rationnalisées et que nous sommes le reflet de notre patrimoine génétique et surtout de notre éducation, de l’environnement dans lequel nous avons grandi et dans lequel nous évoluons comme j’en parlais dans cet article.

Toutefois, il est effarant de constater que la plupart des dérives auxquelles nous assistons proviennent de ce manque de retenu, de cette incapacité de nombreuses personnes à ne pas succomber à leurs moindres envies.

Cela me fait penser à ma mère qui estime, sans doute comme beaucoup de personnes, qu’avoir faim est grave et qu’il faut y remédier rapidement, comme si la faim était une sensation mortelle alors qu’il ne s’agit que d’une sensation complètement déréglée chez la majorité.

A trop s’écouter, dans le sens de succomber aux émotions qui surviennent, nous ne sommes que des êtres irrationnels.

Il faut agir pour calmer ce flux d’émotions que nous ne savons pas gérer, que nous n’avons pas appris à contrôler.

C’est un sacré paradoxe tout de même quand on peut voir la presque déconnexion totale de beaucoup quant à la proprioception et l’interoception pour ne citer que ses deux sens et le fait de succomber à sa moindre envie.

Peut être est là le reflet d’un manque d’introspection, pris par l’urgence de la vie, rendant incapable beaucoup de prendre le temps de passer des instants avec uniquement soi-même au calme ?

Or, je crois fermement que pour « réussir » sa vie, il faut savoir se retenir.

Il faut savoir se retenir de manger alors que tout est fait pour nous mangions plus, que tout est rendu plus appétissant que jamais et que la tendance sociétale est de nous dire qu’un peu ne fait pas mal (quelle connerie ! Un peu de poison fait toujours du mal).

Il faut savoir se retenir de démarrer un nouvel épisode d’une série alors que le cliffhanger a été pensé pour justement nous pousser à continuer, à nous rendre addict.

Il faut savoir se retenir de ne pas faire du mal à autrui quand certains de nos instincts et de nos pensées nous apparaissent à ce sujet.

Malheureusement, cette société est surtout celle de l’enfant roi, à qui on donne, en tant que parents, ce l’on n’a pas eu, pensant ou plutôt sans penser qu’apprendre à se retenir est la meilleure façon de réussir quelque projet que ce soit.

Si on n’apprend pas à différer ses plaisirs, on est voué à une petite vie.

On est voué à être hautement addict à la fameuse dopamine, à ne pas être dans un véritable équilibre vis à vis des autres neuro-transmetteurs tout aussi important dans le déterminisme de notre personnalité.

Dans le célèbre livre « Influence et Manipulation » de Robert Cialdini est cité une expérience avec des enfants, bien connus sans doute de beaucoup d’entre vous.

Un enfant est dans une pièce et on lui donne un bonbon. On lui dit que s’il ne le mange pas avant qu’on revienne dans la pièce, il en aura un deuxième.

Le résultat est que la majorité n’a pensé qu’à son plaisir instantané et n’a pas su attendre une double récompense.

Ceux qui ont réussi à différer leurs plaisirs instantanés, comme par enchantement, sont ceux, qui une fois adultes, ont estimé être plus heureux et qui avaient mieux réussi dans tous les pans de la société.

Enfin, c’est ce que dit cette histoire légendaire.

Personnellement, j’ai appris dès le plus jeune âge à me retenir, à réfréner mes envies et j’ai surtout appris le temps longs.

Ma pratique de l’athlétisme me l’a appris avec mes premières blessures alors que j’avais à peine 10 ans. Tu veux courir mais tu ne peux pas, tu n’as que le choix de te retenir de courir parce que tu ne peux pas faire autrement.

Ma pratique de la musculation me l’a appris également car les progrès se sont faits petits à petits et il m’a fallu des années avant d’avoir un beau physique.

Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent s’est fait petit à petit et m’apprend à me retenir, à relativiser le temps, à ne pas vouloir « réussir » rapidement.

Car je sais que rien ne peut se faire du jour au lendemain, qu’être impatient, c’est ne rien produire, c’est ne pas avancer.

Certes, c’est le plaisir du court terme et on peut se baigner dedans indéfiniment, être une proie facile à tous les algorithmes inimaginables.

On peut aussi être l’objet de ses envies parce que la société veut nous y pousser.

Mais on peut aussi essayer de se retenir, d’apprendre à se retenir.

On peut essayer de différer son plaisir pour ne pas être un drogué qui s’entretient.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est extrêmement difficile de changer ses comportements.

Parce que nous ne sommes que des drogués et que plus on succombe à une envie, plus le circuit se renforce, plus on veut sa dose à l’instar d’un muscle qui ne se développerait pas et à qui on apprendrait à être sollicité en permanence pour que cela devienne facile, à moins d’efforts (Cf mon article sur les points faibles en musculation).

Le bonheur, ce n’est pas le succession de petits plaisirs.

Ce n’est pas l’accumulation de décharge de dopamine. Ca n’a rien à voir.

C’est un leurre.

Pour être heureux, c’est en partie (pour attirer votre attention sur le fait que je simplifie fortement), une question de sérotonine, une question d’équilibre (Sans blague ?).

Guillaume Attias l’explique très justement dans son livre « L’influence cachée du cerveau humain » avec sa fameuse DOSE et le méchant NORACORT, que j’aurais d’ailleurs le plaisir de recevoir prochainement dans mon podcast « Les secrets du sport ».

Vous comprenez ainsi que plus vous succomberez à vos envies, que plus vous apprendrez cela tôt par votre éducation (parents, écoles, figures d’autorités…) et plus vous serez dépendant et malheureux à terme.

Heureusement, il n’est jamais trop tard et avec le bon environnement, on peut sans doute se désintoxiquer progressivement.

Comme dit mon pote Aurel, diététicien en Suisse : « Pour changer de poids, il faut changer de vie ».

J’ose le paraphraser en me répétant pour la millième fois : « Pour changer de vie, il faut changer d’environnement« .

Car l’un des secrets du bonheur est de savoir se retenir pour un bonheur futur.

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