Pourquoi chercher la récompense est une erreur ?
Hier, j’étais à un évènement suisse qui recensait 16 doctorants qui devaient présenter leurs thèses en 180 secondes.
Si on me disait que je n’avais que 3 minutes pour vous partager mes idées et surtout des possibles réponses sur des sujets que j’ai creusé pendant des années, j’avoue que cela me frustrerait.
Mais en même temps, c’est un bon exercice que d’apprendre à synthétiser sa pensée.
En plus, on connaît tous des gens qui parlent pour ne rien dire. Ils parlent, ils parlent mais ne disent rien.
Il faut dire qu’on aime bien s’entendre parler aussi, à force de se parler toute la journée dans notre tête qu’on en oublie que ce n’est pas le cas d’autrui.
Bref, hier, l’une des thèses m’a particulièrement intéressé, pour encore une fois, tenter de comprendre nos comportements, celle du vainqueur de la soirée, Fabien Carruzzo qui a abordé le sujet de l’anticipation de la récompense.
Clairement, nous nous mettons en mouvement si nous estimons le coût de notre mise en mouvement comme inférieur à la récompense que nous allons obtenir de « notre effort ».
Or, nous n’avons pas tous la même perception, la même balance des avantages / inconvénients, notamment dans les troubles du comportement (qui n’en a pas aujourd’hui ?).
Prenons un exemple : Si je vous dis qu’en faisant 1 heure de musculation 3 fois par semaine pendant 6 mois, vous allez vous muscler, perdre de la graisse, prendre de la force…
Beaucoup d’entre-vous ne bougeront même pas le petit doigt car ces récompenses sont abstraites. Elles ne veulent pas dire grand chose et paraissent faibles en regard des efforts que je vais devoir faire.
Trois fois par semaine 1 heure, c’est beaucoup trop. Je pourrais regarder ma série préférée à la place, aller boire un coup avec des potes ou tout simplement faire défilé mon fil instagram.
Certes, la récompense me parait moins grande mais pour la majorité, elle est facile d’accès et surtout rapide.
Maintenant, imaginons que je parte du même postulat mais que le résultat que je vous promette est un avant-après en musculation comme sur mon site.
Là, tout de suite, vous réfléchissez. En mettant des images sur de possibles objectifs et résultats que vous pourriez avoir, vous arrivez à vous projeter et cela vous mettra sans doute en mouvement.
3 fois 1 heure, seulement pour se transformer autant en 6 mois ? Je signe tout de suite !
A chaque fois que nous nous mettons en mouvement ou commençons une activité, nous le faisons pour la récompense. Nous anticipons celle-ci et imaginons comment cela sera quand nous l’aurons atteint.
On rêve d’être millionnaire alors on joue au Loto ou à l’euromillions car ca ne coute que 10 euros (Je n’ai aucune idée de combien cela coûte mais ca doit être dans ces eaux là). La possible récompense est monstrueuse par rapport au cout !
On rêve d’avoir telle voiture alors on travaille d’arrache pied pour économiser et pouvoir se la procurer. C’est déjà un peu plus compliqué.
On rêve d’être super musclé alors on s’entraîne d’arrache pied en quête du corps de ses rêves. Là, concrètement, c’est plusieurs années de travail et beaucoup n’y arriveront jamais.
Car nous réfléchissons à l’envers. Nous cherchons la récompense. Nous anticipons le bonheur que cela nous procurera.
En théorie, la récompense nous récompensera. Nous aurons tout ce que nous voulons et serons heureux.
Si vous êtes déjà passé par là, vous savez que cela est faux.
Quand on atteint l’un de ses objectifs, on est récompensé chimiquement sur le moment, un moment qui peut durer quelques secondes, quelques minutes, avec de la chance quelques jours mais qu’ensuite, cela redescend.
Vous êtes là avec votre récompense et tout ce qui vous motivait au jour le jour pour vous mettre en mouvement disparaît.
Je ne sais plus quel podcast j’écoutais mais l’interviewé disait quelque chose de très juste à ce sujet car à chaque fois, il se fixait des objectifs élevés et ne les atteignait pas.
Bien sur, il n’en est pas loin à chaque fois mais le fait de ne pas réussir à les atteindre le gardait en mouvement, le faisait réfléchir sur le pourquoi du comment, sur de possibles explications, hypothèses.
Le problème, c’est de ne penser que « récompense », de ne faire que pour avoir.
Bien sur, cela nous fait toujours démarrer mais nous oublions l’essentiel et ce qui explique pourquoi nombreux et nombreuses font les girouettes, changeant d’activités régulièrement.
Nous oublions qui nous sommes et qui nous espérons devenir.
Nous pensons qu’avoir suffira pour nous remplir de bonheur.
Alors nous obtenons et là, c’est le pschitt, la désillusion.
Vous avez le corps de vos rêves, vous avez la voiture de vos rêves, vous avez assez d’argent jusqu’à la fin de votre vie mais vous n’êtes pas heureux.
Vous comprenez alors que chercher la récompense, de penser que parce qu’on fait, on aura et que c’est la finalité, est une erreur.
Le problème, ce n’est pas d’anticiper la récompense.
C’est de croire qu’elle est l’objectif final, la fin du jeu.
La vérité, c’est le jeu n’a aucune fin et que tant que nous fonctionnerons sous ce système de récompense, qui est bien ficelé dans notre cerveau et exploité par de nombreux individus malhonnêtes qui cherchent à gagner aux profits d’autrui, qui sont dans une relation gagnant-perdant (Cf cet article sur Leadercast « Je n’aime pas vendre« ), nous ferons fausse route.
Ce n’est pas le plaisir qui est mauvais, c’est l’interprétation et la finalité que nous lui donnons.
La finalité, sans qu’on en ait conscience, c’est d’être en mouvement. C’est de faire sans penser à quelques récompenses que ce soit.
C’est d’être absorbé parce que l’on fait sans aucune notion de temps.
C’est être ici et maintenant comme l’explique si bien Dan Millman dans son livre « Le Guerrier Pacifique« .
Comme quand j’écris un article, que je fais du sport, que je passe un bon moment…
La récompense n’est que l’aboutissement de qui on est et de ce que l’on fait pour devenir. C’est la cerise sur le gâteau, pas le gâteau.
Elle fait plaisir mais ce n’est pas ce qui nous drive au quotidien, ce qui nous rend finalement heureux.
Ce n’est pas ce après quoi nous courons, même nos parents nous ont appris à faire pour avoir, à croire en la notion de mérite.
Nous nous trompons d’objectif et ce n’est pas pour rien si la plupart des champions que j’ai pu interviewé au fil des années disent tous la même chose sur ce qui les drivent : Le plaisir.
Mais pas le plaisir de la récompense ou de la médaille.
Le plaisir de faire, d’être en mouvement, de s’exprimer par quelques moyens que ce soit.
Voici donc le problème à résoudre.